C’est la première « Malgré elle » à qui l’on rend hommage. Une femme, Yvette Schacké, Alsacienne enrôlée de force dans l’armée nazie, a vu sa mémoire honorée par un pavé de la mémoire posé jeudi 22 mai à Brumath, dans le Bas-Rhin.
« Yvette Schacké, vous avez quitté cette ville que vous aimiez tant… Aujourd’hui vous êtes rentrée à la maison » a déclaré l’historien Christophe Woehrlé lors de la pose de ce pavé de la mémoire (« stolpersteine » en allemand) devant l’adresse où la jeune Alsacienne a vécu.
Imaginé dans les années 1990 par l’artiste allemand Gunter Demnig, le concept des « Stolpersteine » vise à rappeler le destin des victimes du nazisme, juives, tsiganes, homosexuelles, handicapées ou opposantes politiques en attirant le regard des passants sur ces pavés recouverts de laiton doré.
Si plus de 100 000 pavés ont été installés dans une trentaine de pays européens. « C’est le premier pavé que nous posons pour une Malgré elle au monde », a souligné Christophe Woehrlé, remarquant que « c’est une catégorie de victimes du nazisme qui est très souvent oubliée ».
6 000 femmes alsaciennes ou mosellanes enrôlées
L’incorporation de force dans l’armée nazie de plus de 130 000 Alsaciens et Mosellans, de 1942 à 1945, a constitué un tabou et un traumatisme toujours bien présents. Près de 10 % de la population régionale a été concernée par cet ordre du IIIe Reich, qui avait annexé de fait l’Alsace et la Moselle après l’armistice de 1940. Environ 40 000 de ces Malgré nous ne sont jamais revenus.
Quelque 6 000 femmes alsaciennes ou mosellanes ont également été envoyées en Allemagne, enrôlées dans des services de l’armée ou dans des usines de guerre. Le neveu d’Yvette Schacké, Jean-Paul Bonnin a salué dans la pose d’un pavé en hommage à sa tante un « rappel » de l’Histoire, « surtout pour les générations futures ».
Évoquant des « périodes très difficiles pour nos aînés », il a confié avoir une pensée pour sa mère, sœur d’Yvette Schacké, qui « aurait été contente d’être encore là pour célébrer cet événement ».
Née le 7 juillet 1925 à Strasbourg, Yvette Schacké a été incorporée de force en avril 1944, envoyée en Allemagne, puis en Pologne, près de Dantzig.
Le 30 janvier 1945, elle se trouve à bord du navire allemand Wilhelm-Gustloff, en mer Baltique, lorsque celui-ci est coulé par des torpilles provenant d’un sous-marin russe dans les eaux glacées de la Baltique. À bord se trouvaient quelque 10 000 passagers, réfugiés allemands des territoires de Prusse orientale gagnés par l’Armée rouge, blessés et soldats. Seulement un millier survécurent.